À la suite de nos premiers essais, “Maybe” passe son “expertise” (contrôle technique helvétique). C’est la fin du long labyrinthe administratif qui permet au voilier de recevoir son certificat de navigation. Parallèlement, “Lets Go” fait la connaissance de son nouveau propriétaire qui va le ramener en France. Cette fois, la page est officiellement tournée.

Finitions

Derrière ce mot à l’apparence anodine, se cache en fait une multitude de choses à faire, de trous à percer, de vis et d’écrous à serrer, de mastic à mastiquer et j’en passe... Mais c’est aussi par les finitions qu’un simple bateau se transforme en bon voilier. Alors, pourquoi faudrait-il s’en priver !

Le mât qui monte et qui descend

Décidément, cela ne le fait pas. Malgré la chèvre et son palan, en cas de vent violent ou d’aire de gréement pentue, le mât risque de basculer latéralement.

Photo_01.jpg

C’est sur Internet (une fois de plus !) que je trouve la solution miracle : les haubans provisoires ! Il s’agit en fait de frapper deux filins sur le mât à 1m50 du pied de celui-ci. Les filins passent ensuite par les poulies des rails d’écoutes du génois, puis finissent leur course sur les taquets coinceurs des écoutes du dit génois.

Le tout doit former un triangle isocèle dans le plan exact de l’axe de rotation du mât. Sur “Maybe”, cela ne pose pas de problème. Petit essai dans un sens, puis dans l’autre ; à deux, puis à un équipier. Le pieu ne dévie plus d’un centimètre. Pas de doute, ça fonctionne. Problème réglé !

Photo_02.jpg

Panneau solaire

Vous l’avez lu : c’est cher, peu efficace et pas trop écologique quoiqu’on en dise. Pourtant, je finis par craquer. Plus par curiosité que par conviction scientifique il faut bien le dire. Mais j’en ai trouvé un à bon prix et on m’affirme que les méthodes de fabrication ont changé et sont moins gourmandes en énergie. Alors... Je choisis une dalle de 45x45 cm produisant 24 Watts théoriques, ce qui devrait me faire du 10 à 15 Watts en condition réelle. Le régulateur trouve sa place dans le coffre arrière de la cabine. Le panneau est posé sur un support provisoire en alu. Ce dernier se révèle tellement simple et pratique que le provisoire risque de durer quelque temps !

Photo_03.jpg



C’est par un dimanche où le soleil brille sans conviction que j‘enclenche l’installation. Le Voltmètre fait un saut en avant, ce qui veut dire que le système est monté comme il faut, c’est déjà ça !

Par curiosité, je coupe la batterie. Les instruments du bord (GPS,VHF, loch et sondeur) ne se sont aperçus de rien et continuent à donner leurs informations. Pour la première fois, “Maybe” fonctionne au solaire !

Je teste tous les appareils du bord, ce qui me donne un aperçu de la production énergétique : entre huit et dix Watt. Par ciel moyen sur une journée, le panneau va donc produire une dizaine d’ampères. Je commence à aimer mon gadget, car avec le feu de mât LED que je viens en plus d’acquérir, nous nous éloignons sérieusement des prises de quai.

Un problème de poids

Par une belle journée de printemps, nous allons gambader, “Maybe” et moi, dans la campagne vaudoise, plus précisément dans le petit bourg d’Echallens. Cet endroit ne présenterait guère d’intérêt à mes yeux s’il n’était équipé d’un “poids public”, ou si vous préférez, d’une bascule communale, bref, d’un truc pour peser le machin !

But de l’exercice : connaître le poids réel du bateau, ceci pour éviter de partir dans un fossé pour cause de mauvais calcul de charge.

L’engin est précis et peut peser un quarante tonnes à deux kilos près ! Le préposé est fier de sa bascule, qui sert entre autre à confondre les camions en surcharge pincés par la police du coin.

Pour la remorque seule, pesée lors du contrôle technique, c’est sans surprise : 350 kg nets, comme sur la fiche constructeur. Pour le bateau et la remorque ensemble, c’est plus lourd : 1440 kg. Trop chargé ! Il faudra donc rouler complètement lège pour retrouver mes 1200 kg (350 kg + 850 kg) réglementaires.

C’est le pèse-personne gracieusement offert par mon voisin qui m’aidera à détailler les kilos coupables : · Une ancre principale 6kg avec chaîne et filin : 16 kg · Une ancre secondaire 6 kg avec chaîne et filin : 11kg · Une bôme avec voile : 11 kg · Un gouvernail : 19 kg · Un moteur 4 CV 4 temps : 28 kg · Une annexe gonflable avec pompe et pagaies : 14 kg · Un réservoir d’essence plein : 13 kg · Deux cirés et pantalons avec harnais : 7 kg · Divers outils et accessoires de cuisine : 15 kg · La pieuvre jouet en latex de mon cocker (cocker compris) : 15 kg

Bref, quand on remet tout ce bazar dans le bateau et qu’on y ajoute le lest liquide, l’équipage et quelques menues bricoles, on trouve un déplacement réel en mer de près de 1500 kg !

Quant au poids sur la flèche de la remorque : 87 kg contre 80 désirés. Mais là, je laisse tomber, car je pressens un certain optimisme de mon pèse-personne et la différence ne me paraît pas exorbitante pour ma sécurité.

Météo 1, “Maybe” 0 !

Cela fait presque un an que nous sommes allés chercher notre jouet à la Rochelle. Les travaux d‘aménagement sont terminés, nous pouvons effectuer notre première croisière. Le bateau est accroché à son véhicule tracteur. Objectif : 10 jours en Méditerranée. Pourtant, je ne tournerai pas la clé de contact de mon fourgon. Les routes se sont subitement recouvertes de neige. La tempête fait rage sur les côtes. Nous attendons quelques jours, rien n’y fait ! C’est aussi cela, la voile !

Photo_04.jpg



Première croisière

Je vous l’accorde, le mot est ici un peu galvaudé, car en fait de croisière, nous ne partons qu’un petit week-end sur le Léman avec, il est vrai, une première nuit passée à bord. Ça compte tout de même un petit peu, non ?

Nous mettons le bateau à l’eau avec comme but de nous retrouver tout là-bas en face, en France. La traversée (6.5 Milles) ne surchargera pas les nobles récits des grandes croisières épiques et se résumera en trois mots : pétole, moteur, pilote !

Photo_05.jpg



Nous arrivons à Evian par “marée basse”. Ne riez pas, ce n’est pas un canular : chaque année, le niveau du lac est abaissé artificiellement de 60cm (80 cm les années bissextiles), afin de permettre le nettoyage des berges. Nous sommes en plein dans cette période (et en année bissextile), c'est-à-dire en avril/mai.

Le ponton paraît donc bien haut, mais nos “bouées carrées” nous protègent efficacement du mur en béton.

Photo_06.jpg

Nos amarres sont enfin de bonnes dimensions. Sur le Go, nous avions des 5 et 10m, c’était souvent un peu juste. Sur le bateau d’un ami, les 20m s’entortillaient dans les pieds.

“Maybe” possède une paire de 15m, une autre de 7.5m, et deux petites de 3.75m pour les amarrages courts. Ça a l’air de fonctionner.

Photo_07.jpg

Nous installons la table de cockpit. La première fois que je l’avais vue, je pensais directement la classer comme “objet parfaitement inutile et malvenu à bord”. Ca faisait vraiment “marin de ponton”, beurk ! En fait, elle s’avérera tellement facile à installer, peu encombrante, stable et solide, que nous finirons par l’adopter et tant pis pour l’image de marque !

Très vite, nous repérerons une grave erreur de conception dans le coffre à WC. J’ai oublié qu’il fallait tirer une poignée pour ouvrir une trappe rendant l’objet opérationnel. Or, la poignée est coincée dans le coffre ! il faudra donc ajouter une petite trappe au meuble. Installateur sanitaire, cela ne s’improvise pas !

La nuit tombant, le réverbère sous lequel est amarré le voilier se révèle être d’une puissance redoutable et illumine la cabine. Il faudra mieux obstruer cette dernière si on veut dormir !

Photo_08.jpg

Le lendemain, il y a un peu de vent. Le bateau est facile à gérer et avance, malgré la faible brise. Le gréement et la voilure donnent une impression de solidité. Seule faute de goût : un halebas très “chip” qui conviendrait à peine pour un Optimist. Celui-là, il va se faire virer dans pas longtemps !

Autre raté, mais plus grave : le panneau de descente ne tient à rien et, par mer formée, peut à tout moment passer par-dessus bord. À revoir sérieusement.

Deuxième croisière

Là, c’est plus consistant : trois jours et trois nuits sur l’eau, presque une expédition ! La mise en service est un sans-faute, nous commençons à maîtriser le sujet. Cap à l’est, direction le “Vieux-Rhône”, la région la plus sauvage du lac.

Le trajet (12,6 Milles) se fait entièrement en PMP (Pétole-Moteur-Pilote), mais le paysage est superbe. Nous sommes toujours à “marée basse”, ce qui nous vaut une légère poussée d’adrénaline dans le canal d’accès menant au port.

Photo_10.jpg

Photo_11.jpg

Celui-ci cale ce jour là à 1m40. C’est la limite de notre tirant d’eau ! Nos yeux se scotchent sur le sondeur qui pousse par deux fois le vice à inscrire 1m30, mais on passe.

Dans ce paysage verdoyant et plein d’oiseaux, nous goûtons au bon confort de notre voilier. Une couchette double de 140 de large sur un transportable, ce n’est pas courant ! Nous adoptons également un ingénieux système de filet pour les fruits et légumes, trouvé par mon épouse. Ça à l’air d’un détail, mais naviguez quelques jours et vous comprendrez l’intérêt de la chose !

Photo_12.jpg

Photo_13.jpg

Photo_14.jpg

Une belle promenade nocturne avec notre cocker et, le lendemain, le pont de “Maybe” est noir de terre. Merci toutou !

En ce deuxième jour, le vent souffle bien en face et nous tentons de belles allures de prés. Résultat : 100 degrés d’un bord sur l’autre, la trace du GPS faisant foi. Ce n’est pas très brillant, mais en fait, pas pire que sur la plupart des bateaux sur lesquels j’ai navigué. En plus, le vent étant faible, nous devons prendre un peu d’angle pour gonfler les voiles.

Photo_15.jpg

Photo_16.jpg

Photo_17.jpg

Photo_18.jpg



Après quelques heures, Eole, fatigué, se fait la malle et nous retrouvons notre allure PMP (voir plus haut !). Après 23 Milles parcourus, nous entrons dans le port de Thonon, son funiculaire et ses installations portuaires plus que correctes.

Un petit nettoyage du bateau (merci toutou), et nous reprenons au matin le large sous un vent sympa. Le bateau se sent bien, mais se fait dépasser sans scrupule par un régatier généreux en voilure. “Maybe”, croiseur tu es, croiseur tu resteras !

Le vent faiblit, mais nous conservons deux noeuds alors qu’il n’y a plus une ride sur l’eau. Il glisse bien, ce bateau !

Nous avons rendez-vous avec mon frère qui nous rejoint sur son canot à moteur. Le but est de réaliser quelques photos de “Maybe” sous voiles. Eole se fait prier et nous réussissons à peine à donner une forme à la toile. Au moment de monter le spi, le dernier souffle rend grâce. Constatation : un spi sans vent, ce n’est pas efficace pour avancer !

Photo_19.jpg

Photo_20.jpg

Photo_21.jpg

Photo_22.jpg

Photo_23.jpg

Nous nous consolons en allant manger des gâteaux à Saint-Prex. Le retour au point de départ se fait à l’allure PMP (non, je ne traduis plus !).

Nous passons une dernière nuit sur l’eau et tirons nos premières conclusions : le bateau est paré pour une longue croisière. Notre seule inconnue est son comportement par gros temps. Pour cela, il faudra patienter et attendre le Mistral de nos prochaines vacances d’été.

Pour le reste, pas de problème. La vie à bord est très agréable, ”Maybe” est ergonomique et semble solide. Le moteur joue bien son rôle : 5 noeuds de vitesse de croisière pour une consommation précise de 1.23 litre à l’heure, soit 0.03 litres de plus qu’avec le Go à la même allure, c’est correct !

Le “réservoir-lest”, quant à lui, a été testé avec 30 litres d’eau lors de la seconde croisière. Les vents et le clapot étant trop faibles pour juger de la partie “lest”, nous nous sommes concentrés sur l’aspect “réservoir”.

Nous avons constaté qu’un jerrican de 10 litres restait indispensable à bord. Il n’y a pas toujours un robinet d’eau près du bateau, et je ne me vois pas transporter 20 m de tuyau d’eau plus ses embouts pour remplir le réservoir à chaque port.

De plus, même si nous avons un peu utilisé le petit évier du bord pour, par exemple, nous laver les dents, une grande partie de la consommation d’eau, pour la cuisine ou la vaisselle, s’est faite dans le cockpit, d’où l’utilité du jerrican.

Le Bilan

Il est pour l’instant incomplet, puisque ce n’est que par gros temps qu’on peut savoir si un bateau est réellement marin ou non. Or du gros temps “Maybe” n’en a encore jamais vu la couleur !

Mais en l’état, nous pouvons tout de même aboutir à certaines conclusions :

Familles avec enfants en bas âge, oubliez ! Un cockpit ouvert à l’arrière c’est la garantie d’une croisière stressante et ratée de peur de voir sa progéniture partir dans l’écume ! Par contre, avec des enfants plus âgés, pourquoi pas, il y a de la place ! Amateurs de dayboats, passez votre chemin. Trimbaler pareille cabine pour ne pas y mettre les pieds dedans, inutile ! Fanatiques de régates et de réglages fins, achetez un Go 550 (ou autre chose). Le Kerkena, ça fait vraiment pantouflard à côté. Mais qu’on ne s’y trompe pas, un bateau comme “Maybe”, qui avance déjà par tous petits airs et qui accélère plutôt qu’il ne penche lors de brusques sauts de vents, ne peut être complètement mauvais ! 6 Mètres, c’est bien assez ! Un bateau comme le Kerkena est à mon avis à l’extrême limite de ce qu’on peut appeler : “un vrai transportable”. Au-delà, il faut mettre d’autres moyens en oeuvre, comme envisager la grue et acheter un 4x4. Il nous faut 1h30 voire 2h pour bien mâter et préparer le bateau. Pour les amateurs de sorties à la journée, c’est trop long. Par contre, en mer, nous restons limités par la petite taille. Si je pouvais gagner 1m50 et le double de poids, ça m’ouvrirait la Corse depuis la Côte d’Azur ou l’Angleterre depuis un port français. Mais on ne peut pas tout avoir !



Nous avons donc décidé, avec mon épouse, d’en rester à nos 6m (5.85 m pour être précis) et, lorsque l’envie du grand large nous prendra, nous partirons avec des copains sur un vrai hauturier (c’est ce que nous avons fait l’été dernier) !

Note concernant les photos : vous y voyez le Kerkena “prototype” qui a été en plus transformé. Ne faites donc pas de procès à Indigo Yacht si celui qu’ils vous présentent est légèrement différent !

De Roger Baudet, mai 2008(Photos : Maurice et Roger Baudet)