Profitant de la pause de Pâques, nous nous offrons une petite croisière "caravane" sur la Côte d'Azur. Le but, ici, n'est pas de naviguer à tout prix, mais de profiter du voilier comme "résidence secondaire". Nous n'entrerons donc que dans six ports lors de notre séjour, pour une distance au compteur qui n'excédera pas 80 Milles en 13 jours.

Où la mise à l'eau se fait au chronomètre

Combien de temps cela prend-il pour mettre un voilier à l'eau depuis son jardin ? Dans ce cas précis, voici les résultats :

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En route !

5h du matin, départ du convoi, avec arrivée sur la cale d'Antibes à 14h précises. Durée du trajet : neuf heures. 14h, mâtage du voilier et préparation pour la mise à l'eau. Deux heures plus tard, tout est prêt, malgré un vent à décorner les boeufs. Mais notre système est au point et nous restons zen. 16h, mise à l'eau. Là c'est moins drôle, car la cale est parcourue par un méchant courant. Avis aux amateurs, la mise à l'eau du port d'Antibes est réservée aux personnes qui maîtrisent parfaitement cette manoeuvre. Un heure plus tard, cependant, le bateau est sur sa place de port, rangé et prêt pour la grande aventure. 17h, montée de la remorque et du véhicule vers le gardiennage. Découverte des bouchons de la ville aux heures de pointes et évidemment, erreur de présélection sur un giratoire. Après un gros détour, nous arrivons au but. Il nous aura fallu une heure trente pour cet épisode, mais nous ne mettrons que 45 minutes la fois suivante, sans erreur et sans embouteillage. Bref, à 18h30, tout est terminé. Nous sommes à bord, 13h30 après notre départ. Il nous faudra le même laps de temps pour effectuer, deux semaines plus tard, la manoeuvre inverse avec en plus, l'utilisation d'une grue et de son grutier.

Nice


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Juste en face, la promenade des Anglais

Nice, c'est d'abord une longue piste d'atterrissage que nous longeons sous voiles. Il y a un peu de vent qui souffle, fait exceptionnel, au portant ! C'est hallucinant le trafic de cet aéroport. À cela s'ajoute la valse des hélicoptères amenant les clients à Saint-Tropez, Monaco ou directement sur leur yacht. Le port de Nice vaut le détour et est... très bon marché. Faits rares en Méditerranée, nous sommes amarrés à un cataway. C'est dimanche et il fait beau. Il y a donc foule sur la promenade des Anglais. Pourtant, pour nous, ce n'est pas le déclic. Nice est une ville qui se cherche un peu. Coincée en Cannes qui fait son cinéma et Monaco qui marie son monarque et prépare son grand prix, il faut dire que la concurrence est rude. Bref, pour l'instant, Nice a un petit côté "as been" qu'on appréciera ou non. Le lendemain, c'est l'appel du large. Il y a toujours un vent sympa donc, départ pour la ville suivante, son rocher et ses casinos.

Monaco

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La vue depuis notre bateau

Là, c'est vraiment la claque. C'est le premier port ou on a l'impression qu'ici, un yacht de 70 mètres ou plus est vraiment à sa place, car en fait, il n'y a pas grand-chose au dessous ! Nous avons de la chance, car il est rare de pouvoir séjourner dans le port principal. Il n'y a en effet que très peu de places visiteur. Monaco, c'est d'abord un son, celui des voitures de sport de luxe qui, ici, sont aussi nombreuses que les petites citadines dans une ville normale. Il y a également passablement de sirènes de police, mais ça, c'est propre à toutes les villes de la Côte d'Azur (record absolu en la matière : Marseille qui, à ce niveau, a une grosse longueur d'avance). À Monaco,il n'y a pas un graffiti contre les murs et inutile de chercher un mégot par terre, il n'y en a pas non plus. C'est propre de chez propre. Même la vieille ville paraît neuve, tant tout est astiqué !.

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Monaco by night !

Soyons honnête, Monaco, c'est plutôt bruyant. Il faut dire qu'il n'existe pas encore de Ferrari à propulsion électrique, ceci explique peut-être cela ! Donc, pour nous, c'est départ au matin pour le port suivant : Menton. La brise est timide et nous souffle dans le nez, mais la distance est courte. Nous devrons malgré tout terminer au moteur. Dans cette région, c'est bien connu, cela ne souffle pas beaucoup.

Menton

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Un petit air d'Italie en France

Menton, c'est déjà un parfum d'Italie, tout en restant la France. C'est un peu comme une gare terminus, car beaucoup de bateaux français ne vont pas plus loin. Menton, c'est une ville calme, très calme, un peu trop selon certains de ses habitants. Nous on aime bien. C'est vraiment un joli coin avec un port qui est à dimension humaine. Pas de bateau frime ici. Pour cela, il y a Monaco, Nice et les autres ! Nous devons avitailler en confitures, c'est d'ailleurs une des raisons de notre présence ici. Si vous ne connaissez pas la fabrique de confitures de Menton, il vous manque un élément à votre culture ! Du coup et à cause des confitures, nous ne partons que vers midi le lendemain.

Panne de moteur

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Le moteur a toujours été un peu trop bas

La météo annonce une dépression. Soit nous profitons du beau temps d'aujourd'hui pour pousser jusque dans la baie de Cannes, soit nous prenons le risque d'être un peu secoué si nous effectuons le trajet en deux jours. Nous choisissons d'effectuer les 29 Milles qui nous séparent de l'île de St-Honorat, en face de Cannes, en une traite. Le vent est arrière, mais pas très fort. Je mets le moteur pour activer les choses. Avec l'appui du vent, nous sommes à 6 noeuds et tout va bien à bord. Je me vois déjà admirer le coucher de soleil depuis ce qui doit être mon île préférée. Mais soudain, le moteur cale. C'est totalement inhabituel et je sais qu'il y a de l'essence dans le réservoir. Le hic, c'est qu'il ne redémarre pas. Je démonte la bougie et le verdict tombe : problème d'arrivée d'essence. Le carburateur doit être bouché. Exclu de le démonter en mer, je n'ai de toute façon pas les bons outils. Nous ne sommes pas en danger, car il fait beau, Monaco est tout près ainsi que Nice. Le vent ayant pris un peu de force, nous mettons cap sur Antibes, car nous sommes sûr de facilement y trouver un mécanicien. Adieu, coucher de soleil sur St-Honorat ! Nous n'avançons pas si mal, mais le Cap-d'Ail est un peu rude à passer. Le vent tombe, mais pas la houle croisée qui nous accueille à cet endroit. Je tire sur la corde du moteur... et ça repart ! Le carburateur s'est donc débouché. Nous sommes plus sereins. Mais voilà que notre 4 temps remet ça. Même diagnostic. À tout hasard, mais sans trop y croire, j'inverse les réservoirs et change la bougie. Ça repart... et ça recale plus loin. Seulement, cette fois, nous avons compris : nous sommes suivis par une petite houle sèche arrière. Avec son radeau de survie qui alourdit l'arrière et son ballast avant pas trop rempli, le voilier est un poil bas de la poupe et à de la peine à lever sur les vagues. Comme le moteur est fixé très bas, il se ramasse les déferlantes et l'eau entre dans le carburateur. Solution : l'équipage se pousse sur l'avant. Tout rentre dans l'ordre et, du coup, nous mettons cape sur St-Honorat. Le moteur calera encore une fois, car il doit encore y avoir de l'eau dans le carburateur. Pourtant, nous arriverons à bon port et à l'heure, car une fois le moteur repartit et avec le vent arrière, nous effectuerons une bonne moyenne.

Nous constatons, par cette expérience, que tout est précis sur un petit voilier. Le même problème serait survenu dans des courants avec des vagues, des rochers et peu de vent, nous aurions été certainement moins sereins !

St-Honorat

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Le monastère de Saint-Honorat

Ici, on ne laisse pas traîner les mégots, on n'allume pas la radio, on ne crie pas. Ici on est chez les moines Cisterciens. Ils sont sur l'île depuis le 16e siècle. Il est donc normal qu'ils aient une certaine priorité. C'est un lieu de paix où l'agitation de Cannes, pourtant toute proche, est complètement gommée. Le minuscule port Des Moines n'accepte que les bateaux de moins de 8 mètres. Bien sûr, la journée, il y a invasion de bateaux à moteur, mais le soir le lieu est très paisible.

Nous en profitons pour acheter une bouteille d'un des crus de l'île à la petite échoppe du monastère. Ce n'est pas donné, mais comme le dit mon épouse, ça fait office de taxe de port ! À titre indicatif, le breuvage affiche sans scrupule ses 14 degrés et demi. Une façon comme une autre de voir rapidement des anges !

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Notre cocker semble indifférent à l'aspect mystique de l'île !

Le lendemain, on sent que ça commence à souffler dehors, mais le ciel est encore bleu. Après une ballade sur l'île, nous hissons le génois et filons vers Cannes. C'est là que notre 4 temps nous fait un dernier bras d'honneur juste à l'entrée du port. Nous avons juste le temps de hisser la voilure et de ressortir vite fait. Puis il repart et cette fois, nous laissera définitivement tranquille.

Cannes

Passer d'un monastère à la perpétuelle agitation autour du Palais de Congrès, c'est quelque chose.

À Cannes, nous avons nos marques, nos repaires. C'est une ville que nous connaissons et que nous aimons. Nous sommes mis à l'habituel "ponton C", là où nous avons quelques copains. C'est là que nous allons passer Pâques et laisser courir la dépression annoncée. Le port de Cannes peut se flatter d'avoir certainement les plus beaux et plus luxueux sanitaires de France. Comme il y a assez peu de visiteurs et beaucoup de bateaux de luxe (je crois que ces derniers ont leur propre salle de bain) , il n'y a quasiment jamais d'attente aux douches.

Méfiez-vous des vieux !

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Là, le bateau est presque droit !

Au matin, cela souffle méchant dehors. Nous prévoyons une activité shoping pour la journée. Mais c'était sans compter sur les copains du ponton. En voilà un qui passe : "On sort, tu nous accompagnes ?". Près de trois ans qu'on ne s'est pas vu, je ne peux (et n'ai pas envie) de refuser. Nous serons trois. Je perçois le troisième équipier comme sympathique et moyennement expérimenté. Grossière erreur. Certes, il est sympathique, mais derrière son air de ne pas y toucher, c'est un redoutable marin. Le bateau n'est pas sorti de sa place que les voiles sont déjà hissées. C'est tellement étroit que nous devons tirer le premier bord (le vent est de face, bien sûr !) avant d'avoir tout établi. Nous sortons du port le mât à l'horizontale, heureusement qu'il n'ont pas mis un contrôle radar à l'entrée du port, nous somme à 7.5 noeuds au près serré ! Cela va durer deux heures à ce régime. Le skipper fait même service minibar en milieu de parcours, mais bien sûr, sans baisser la vitesse. On sait vivre, entre ancêtres. Ce que je sais maintenant, c'est qu'on peut être un équipage dépassant la soixantaine et garder une âme de gamin ! Les voiles seront affalées juste devant la place de port. En voilà qui ne font pas souvent tourner le moteur. Belle navigation en tout cas, où j'ai soudain réappris ce que c'est de naviguer avec un esprit de régatier.

Glagla

Pendant quatre jours, le voilier va rester à quai, si ce n'est une petite excursion, le dimanche, jusqu'à l'île de St-Catherine, la voisine de St-Honorat.

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Sainte Catherine, vue depuis Sainte Honorat

Une résidence secondaire sur l'eau a comme avantage d'avoir à coup sûr vue sur la mer ! La météo est inversée, c'est-à-dire qu'il fait beau dans le Nord, et qu'il pleut ou nous sommes, avec en bonus une température plutôt frisquette. C'est la première fois que je dois faire fonctionner chaque matin notre petit radiateur pour évacuer l'humidité. Nous devons également cuisiner et manger à l'intérieur. Pourtant, tout cela reste très supportable. Avec d'excellents restaurants tout près et les sanitaires premières classes du port, nous ne sommes vraiment pas à plaindre. Le temps passe trop vit. Avec le retour du soleil, nous devons songer à continuer notre route.

Antibes, où quand "Maybe" s'envoie en l'air

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L'avitaillement à Antibes ne pose pas de problème

Le retour à Antibes se fait sans problème, mais au moteur, car le vent n'est pas très inspiré. Nous devons organiser la sortie de l'eau du voilier pour le lendemain. Tout est rapidement réglé et au matin suivant, me voilà devant la grue avec mon véhicule et sa remorque. C'est plutôt serré pour la manoeuvre, mais surtout, il y a un mur de bateau sur leur ber, entre la grue et la remorque ! J'amène maintenant le voilier, c'est également serré, c'est bruyant, ça pue un mélange de fuel et de polyester et il pleut. Génial. Je n'ai pas fini de descendre le mât que la croix de la grue est déjà au dessus de ma tête. Pourtant, il y a toujours le mur de bateau. "Pas de problème, il faut juste reculer un peu la remorque". Moi, je veux bien, mais ne comprends pas très bien. Je m'exécute et soudain, dans les airs, à environ 6 mètre du sol, je vois planer mon voilier qui survole le mur de bateaux au sol. Impressionnant ! Le grutier pose mon engin au millimètre sur la remorque, c'est terminé. Une équipe de pros comme ça, jamais vu !

Le bilan

Nous avons profité de cette minicroisière pour relever quelques points à corriger pour notre navigation d'été. Ce sont des détails mineurs comme poser une petite lumière à l'avant de la cabine, un peu trop sombre le soir, ou changer le radio-CD d'origine, qui ne semble pas apprécier à sa juste valeur le milieu marin, contre un lecteur MP3 vraiment marinisé (c'est en tout cas ce qui est écrit dans la brochure publicitaire !).

Mais le point le plus sérieux, c'est notre support moteur. Nous trouvons rapidement un modèle avec 5 positions de réglages de hauteur. Nous l'achetons aussitôt. Il ne restera plus qu'à l'essayer. Pour le moteur lui-même, mon mécanicien me dit que si je le lave bien à l'eau douce, il n'y aura pas de conséquences, les circuits électriques étant enfermés dans des boîtiers étanches. Il ne reste plus, maintenant qu'à préparer la croisière d'été, une virée de 7 semaines en Atlantique.